Je t’ai aperçu au volant de ta voiture. Tu semblais attendre quelqu’un.
Sur la banquette arrière, on pouvait remarquer quelques paquets éparpillés.
Nous étions mi-décembre, les emplettes de Noël sans doute.
Il faisait déjà nuit mais la rue était suffisamment éclairée
pour que je puisse bien te reconnaître.
Tes cheveux avaient légèrement blanchi sur tes tempes. Mon cœur
se serra à cet instant, tu étais toujours aussi beau. Je pensais
t’avoir oublié et à ce moment même, je sus que non…
Je secouais la tête comme pour enlever ses bribes de souvenirs qui semblaient
s’accrocher encore malgré moi.
Tu consultas ta montre, étais-ce celle que je t’avais offerte
? A cette distance là je ne pouvais le dire. J’osais espérer
que oui, mais quelle importance pour toi ?
Je n’étais plus qu’une figure du passé à tes
yeux, une pièce du puzzle de ta vie.
Une jolie poupée que tu avais modelé à ta façon
et laissé choir sans la moindre attention.
Tu semblais t’impatienter, tu allumas d’un geste qui n’appartenait
qu’à toi cette cigarette anglaise dont j’aimais tant le
parfum.
Ta peau avait elle toujours l’odeur menthe poivrée ? A cette simple évocation,
mon corps se tendit comme un arc…
J’ai fermé les yeux un instant et tout est revenu. Notre rencontre
dans ce parc non loin de notre travail.
Tes messages codés. Nos rendez vous volés à nos emplois
du temps respectifs .
Ton désir que je pouvais lire dans tes yeux à chaque baiser échangé à l’abri
d’une porte cochère.
J’aimais passé ma main dans tes cheveux que tu avais souples.
Je frissonnais quand ton regard appuyé sur mon corps me faisait remarquer
combien j’étais jolie.
Je le devenais de jour en jour, je transpirais l’amour…
Mon entourage avait remarqué les paillettes qui semblaient illuminer
mes prunelles.
Nous devenions amoureux mais ce sentiment n’avait pas de place dans ta
vie déjà bien organisée.
Ta femme tu ne la désirais plus depuis longtemps, tu restais pour ta
fille conçue un soir de remords.
Ton patrimoine inaliénable te poussait dans des rencontres sans lendemain.
Moi j’étais le poison qui coulait dans tes veines, j’étais
le lierre qui s’incrustait peu à peu à toi…
Tu pris peur petit enfant, tu pris du recul et moi ne voulant pas devenir celle
qui attend près du téléphone, je larguais les amarres…
J’ai connu une période de flottement où je riais plus fort
que les autres où je faisais semblant d’aller.
Je me suis lancée dans les études pour t’oublier…Lien
de cause à effet j’ai obtenu brillamment mon diplôme et
j’ai changé de profession , de quartier…
La page de ce roman-feuilleton était tournée.
Tu as descendu la vitre avant de la voiture afin de chasser la fumée
de ta cigarette à moitié consumée.
J’ai pu apercevoir conquérante à ton doigt cette alliance
que tu n’avais pas lors de nos rencontres.
Je suis descendue du trottoir, j’ai avancé vers toi.
Je ne sais pas si tu m’as reconnue, ni même remarquée. J’ai
ondulé du bassin en marchant, mes escarpins rendaient ma silhouette élancée,
mes cheveux bouclés sous mon chapeau, me donnait un petit air faussement
rétro.
Et d’un air que j’ai voulu détaché j’ai hélé un
taxi…
J’ai pu entendre, dans la voiture qui me ramenait à mon appartement
de banlieue, les nombreuses sonneries de mon portable se noyant dans la profondeur
de mon sac.