TEMPUS FUGIT


Cette locution latine trônait sur tout les cadrans solaires. Maxime matérialisant la fuite du «temps», ouvrant la voie aux : « tu perds ton temps », « on a le temps de ne rien faire », « le temps c’est de l’argent ».
Est-ce vraiment une perte de «temps» de réfléchir, de penser, d’analyser les hommes, leur époque, leur évolution, leurs expressions au cours des siècles. Et si les hommes s’étaient trompés depuis que le monde est monde.
Tenez, un exemple :
Durant des siècles, les alchimistes ont cherché le secret de la pierre philosophale ; celle qui transforme le plomb en or. Ils se sont livrés à des milliers d’expériences risquant leurs vies aux hasards des mélanges instables ou des timorés les traitant de sorciers. Donc ces hommes acharnés, pugnaces, ont ouvert le chemin menant aux sciences expérimentales actuelles. Mais si la sublimation du plomb en or était moins matérielle que philosophique. Je m’explique : un sculpteur transforme du plomb en or ; lorsqu’il prend un lingot de plomb, le fond, le façonne, le transforme en un objet d’art ; n’a t’il pas sublimer la matière ? Un artisan, un artiste, un ouvrier, lorsqu’il force l’admiration par son talent ne dit-on pas de lui qu’il a de l’or au bout des doigts ou bien qu’il est orfèvre en la matière. Ainsi la pierre philosophale n’est-elle pas tout simplement l’homme lui même ?
Dans la même lignée, un peintre ou un photographe parle d’immortalisé son model ; or les exemples ne manquent pas d’immortalité fanée : la victoire de Samotras dont la tête à définitivement disparue, le radeau de la méduse d’Eugène Delacroix qui s’obscurcit mystérieusement et sans rémission, les photographies virent au bout de quelques années au sépia, les livres brûlent, la pierre elle même ne résiste pas au temps qui passe, elle s’effrite. La mémoire s’efface. C’est sur ce constat, que de doux rêveur ont chercher une machine à voyager dans le temps ; apparemment sans succès, si ce n’est le fait qu’ils nous font encore fantasmer sur la possibilité de vaincre l’inexorable marche vers la fin de l’histoire. A moins qu’à l’instar des croyances d’H.G. WELLS le «temps» qui passe ne soit qu’une boucle qui nous ramène sempiternellement au début de l’histoire ; ou alors il ne s’agit ni d’une boucle, ni d’une ligne droite continue mais bien plutôt d’une succession discontinue d’histoires superposées les unes aux autres.
Pour revenir à la fuite inexorable du «temps», le temps n’est que ce que l’on en fait ! Pour preuve, une antinomie du temps : l’attente, dans l’attente d’un fait, d’un rendez-vous, les secondes et les minutes durent une éternité ; lorsque l’on pratique une activité prenante, on s’aperçoit que le «temps» file à une telle vitesse que l’on a pas eut le «temps» de tout faire. Y aurait-il donc deux notions de temps ? Enfin le mot est lâché : notion ; et oui le temps n’est qu’une notion abstraite, sans réalité physique. Son seul support indiscutable est la succession des jours et des nuits, les saisons qui suivent les saisons, les enfants qui remplacent les adultes, les vieillards qui s’éteignent comme on souffle une bougie.
Tout ça pour en venir à la deuxième locution surmontant la course du soleil sur l’horloge : « CARPE DIEM », profite de l’instant présent. Mélange donc, de reconnaissance de la réalité du «temps» et d’autorisation tacite pour les excès de toutes sortes et autres bacchanales. Les anciens nous laissent en héritage une sagesse toute simple : on ne peut rien pour notre future si on ne profite pas de notre présent sans pour autant tomber dans les exagérations décadente.


LCM (Août 1999)

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