Vous rappelez vous la première fois où vous vous êtes donné
à quelqu’un? Je ne sais pas pour vous mesdames, mais pour nous
les hommes cette première fois a le goût du bon pain. Mais ce pain
est rare, car seule la première fois est teintée de découverte.
Et les autres fois me direz vous. Les autres fois, on découvre le partenaire,
mais la sensation unique de devenir adulte, de faire l’acte n’existe
que la première fois.
Nous autres les “ mâles ”, nous croyons par là devenir
important et l’objet de nos désirs qui devient cette fois-là
l’instrument de notre évolution, nous le rejetons sans nous rendre
compte de ce nous faisons.
Ma première fois fut, il y a vingt ans, un vingt-cinq août. L’été
se finissait, les blés n’étaient pas encore moissonnés.
Les criquets chantaient sous le chaud soleil de ce moi août 1978. Les
charlots étaient premiers au box-office et la télé nous
divertissait grâce à “ Pierre & et Maritie CARPENTIER
”. La liberté, surtout sexuelle, était le maître mot
de cette époque. Je flirtais depuis quelques temps avec une certaine
Christelle. J’inventais des jeux à gages, où perdant ou
gagnant, j’étais le vainqueur puisque l’enjeu était
ses faveurs. De petits bisous dispensés à qui mieux mieux.
Ce jour-là, nous nous débarrassons de ses frères envahissants;
nous allons nous promener. Nous nous embrassons, nous nous enlaçons;
puis, nous nous réfugions entre le cimetière et un champ de blé
non moissonné. Dans le soleil de fin d’après midi, beignés
de cette clarté si particulière aux fins d’été,
nous nous déshabillons, nous nous enlaçons.
Ce que nous avons fait après, n’était qu’un simulacre
de l’amour, nous ne connaissions rien. Sensations tronquées par
la peur d’être découvert, inexpérience, rapidité;
les caresses au rayon absence, nous nous sommes abîmés sans plaisir
et après nous n’avions guère plus d’expérience
qu’avant. Notre première fois, je m’en souviens comme si
c’était hier, depuis j’ai appris à m’occuper
d’une femme.
Je m’en veux de cette première fois, non de ce qui s’est
passé, mais de mon comportement ensuite. Cette fille devenue femme, s’est
mise à m’appeler mon amour et là j’ai pris peur; je
l’ai rejetée et n’ai plus voulu la voir. Je n’avais
pas réalisé qu’elle m’aimait et que moi aussi ; le
temps que je m’en aperçoive, il était trop tard. Cela vient
de faire vingt ans cet été, depuis c’est la fuite en avant.
Pendant vingt ans, je me suis comporté à l’opposé
de ce que je suis réellement, je me suis menti, je leur ai menti. Que
d’erreurs pour n’avoir pas regarder la vérité en face.
Aucun regret, un simple constat; vivre sans se mentir est plus difficile que
de dire la vérité aux autres.
LCM (mars 1999)