Le diable et le petit norvégien

D'apres un conte raconté par Antinoe qui le tenait d'Abbi Patrix.

 

L'été finit. Le soleil ne grimpe plus aussi fièrement au zénith. Les arbres se parent de leur robe d'or.

Un petit garçon chante fièrement dans la campagne:

 

"Je suis un petit garçon,

Je n'ai peur de rien,

Ni du feu, ni des glaçons.

Je suis Norvégien!"

 

A la croisée du chemin, il se trouve nez à nez avec un énorme noisetier chargé de belles noisettes. Il en attrape une!

"Tiens elle a un petit trou!"

Tout en observant le trou, il se remet à chanter. Qu'elle n'est pas sa surprise lorsqu'il voit le ver pointer la tête hors du trou.

Il arrache un brin d'herbe, pose la pointe à l'entrée de l'orifice et recommence à chanter. Le ver sort en se dandinant et grimpe le long du brin d'herbe. Lorsqu'il est tout entier sur la tige. Le garçon la pose à terre, s'arrête de chanter et le ver se réfugie dans la terre.

Le garçon reprend sa route et fourre dans sa poche la noisette et le brin d'herbe.

"Ca peut toujours servir!"

Poursuivant son chemin, il entre dans un bois touffu, jusqu'a une clairière dont le centre est occupé par une grande pierre plate!

Le garçon pose sa main sur la pierre.

Dans un fracas assourdissant, une fumée à l'odeur âcres, apparait un petit homme bizarrement vétu et drolement fait. Ses pieds ne sont pas des pieds mais des sabots. Sur sa tête point de chapeau, mais deux petites cornes rouges.

"- Dites-moi donc, jeune homme, n'avez vous point peur de moi?

- Non je n'ai peur de rien!"

Le diable psalmodie une incantation. Et toujours dans un vacarme, il triple de volume. Il se fait pousser sept têtes avec une bouche qui relie chacune des faces dans un sourire sardonique. Sa voix devient plus grave et ses yeux lancent encore plus de flammes qu'à l'accoutumée.

"'- Et là, n'as-tu donc point peur?

- Non, je n'ai peur de rien!

- Mais es-tu, au moins impressionné de ce prodige?

- Que nenni! Si seulement vous vous changiez en ver de la taille de celui qui était dans ce fruit... Peut-être que là, je serais impressionné!"

Le diable s'exécute!

A peine changé en ver, le petit garçon se met à chanter. Et le diable se met à danser. Le garçon approche le brin d'herbe. Et le diable-ver grimpe dessus en se déhanchant. Le garçon amène la tige pres du trou de la noisette et une fois le bout contre le fruit. Il cesse de chanter. Aussitôt le ver se réfugie dans la noisette et le petit garçon bouche le trou avec le brin d'herbe. Il reprend son chemin en enfournant le fruit dans sa poche et se disant que cela pourrait bien servir un jour.

Il arrive dans un village à l'entrée duquel, trône une forge dont le maitre n'a rien mit de mieux sur l'écriteau:

" Meilleur forge et meilleurs forgerons de toute la région."

Le petit garçon entre dans la forge et dit:

"- Dis-moi forgeron, pourrais-tu casser cette noisette?

- Poses-la sur l'enclume et tu vas voir!"

Le garçon pose la noisette, se recule et regarde d'un oeil malicieux.

Le forgeron ferme son poing, le lève haut au dessus de sa tête et le laisse tomber sur la noisette. Mais cette dernière ne se fend même pas. Il part chercher un gros marteau qu'il abat de la même manière pour le même résultat. Il retourne prendre une masse énorme, la soulève à deux mains et l'abat de toutes ses forces sans plus de succès.L'enclume s'enfonce à moitié dans la terre. L'artisan appelle ses apprentis à la rescousse. Ils vont chercher la plus grosse masse de la forge. Avec un palan, ils la soulèvent , la lestent et la laissent tomber de tout son poids et sa hauteur.

Lorsque la masse s'écrase sur l'enclume, le sol et les murs se mettent à trembler. L'enclume part en poussière. La masse se fend avant de tomber en morceaux. Et la noisette, me direz-vous?

 

Elle explose littéralement, lançant de grandes gerbes d'étincelles qui montent jusqu'au ciel.

Les habitants du village regardent stupéfiés le feux d'artifices. Et le forgeron de s'exclamer:

" - Il devait y avoir le diable, là dedans!"

 

Au bout de plusieurs heures, les poussières du diable et de la noisette retombent sur la terre, infiltrant les hommes!

C'est ainsi que, depuis ce jour-là, il y a une part du diable dans le coeur des hommes.

 

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